T.G. Tête de Gondole, un poème de Laurence Vielle.

T.G. Tête de Gondole, un poème de Laurence Vielle.

J’aime bien ce texte. J’aime bien Laurence Vielle, qui l’a écrit. C’est une poétesse Belge, d’ailleurs très récemment et très officiellement désignée « Poétesse Nationale » pour un temps, en Belgique, évidement.

C’est une chance, non contents d’avoir le texte ci-dessous, vous aurez également sa lecture, par la dame elle-même. … enfin , une prochaine fois. Hum, j’arrive pas à vous mettre le fichier audio dans le message…..patience, ça viendra.

T.G.

Je suis passée aux T.G.
Têtes de Gondoles
Je suis aux T.G.
j’en raffole
Têtes des rayons des grandes surfaces
j’dégomme
j’les mets en place
je dispose les promos
paquets d’pâtes
paquets d’pâtés
paquets d’langes
ou de café
je dispose
pour que tu prennes
10 centimes de moins les deux packs
promo d’la semaine
les grandes marques
écoulent leurs stocks
allez profite profite
J’suis gondolière
salaire de misère
vie dure la vie est dure
je suis aux T.G.
têtes de Gondoles
ça m’passionne
j’les organise
comme des tableaux
en sériel
en couleur
en quadrille
c’est mon soleil
je tisse les packs
découpe les marques
tisse les stocks
atise les toques des réclames
Parfois j’reçois
un plan d’attaque
pour disposer
précisément
les stocks de packs
les oeufs de pâques
les ustensiles
promos d’la semaine
parfois c’est fête
y a pas de plan
et j’en fais rien
rien qu’à ma tête
de gondolière
j’suis aux T.G
et j’manifeste
et j’me syndique
qu’on m’laisse dormir
au moins l’dimanche
au moins l’dimanche !
les travailleurs du dimanche
écoute-moi bien
ça enrichit que les patrons
et j’me démène
dans mes T.G
Têtes de gondoles
j’en suis folle
Chaque T.G.
j’la photographie
avec mon portable
c’est éphémère
chaque jour je casse des T.G
j’en refais des neuves
j’suis gondolière
j’suis gondolière
et à Venise
j’irai jamais
j’suis gondolières
du supermarket
j’en suis fière
tête des gondoles
et mon patron
s’il veut m’virer
j’lui montrerai
toutes les photos
pour qu’il sache
qu’y a pas mieux qu’moi
comme gondolière
et puis le soir le soir
j’vais aux asperges
dans les collines
asperge sauvages
je les ramasse
pour une omelette
et je consomme
et j’accumule
je surcumule
dans ma maison
dans ma chaumière d’ouvrière
tous les produits des rayonnages
j’essaye tout
tout c’qui s’consomme sans cuisiner
tout c’qui s’ouvre et puis s’avale
et le sol chez moi
c’est qu’du papier
que du carton
des emballages
c’est le bousouf chez moi
c’est le bordel
le grand désordre
tu sais même pas où mettre tes pieds
poubelle du supermarket chez moi
mais les T.G
quand j’les aprête
c’est du tout neuf
tout propre
nickel
Allez faut qu’tu achètes
allez allez profite
de la ristourne
que moi j’affiche
dans mes gondoles
allez prends prends
pour qu’on m’en donne
encore des tas tas tas
des tas d’T.G
des tas d’gondoles
j’suis gondolière
j’suis gondolière
et à Venise
j’irai jamais.

Laurence VIELLE
Textes inédits

Ces textes seront publiés en mars 2010 dans l’anthologie du Printemps des Poètes (Paris)

 

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